ETAT DES YEUX | Janvier 2022 | LE PORTAGE DU MONDE | Voix flottées 1
lundi 10 janvier 2022
Aujourd'hui je suis arrivé à creuser un peu sans me dire que ne faisais au juste que déplacer et recouvrir ailleurs, sur une épaisseur plus grande.
Mais au fond, on arrive toujours à ce fouillis de racines en dessous qu'on ne démêle pas et qui pompe sans arrêt pour le secret plus enfoncé qu'on ne voit pas.
Il bat; on l'entend parfois vaguement, la tête collée au sol, très loin, les jours sans vent - ou quand on dort dans l'herbe.
Pour savoir, il faudrait pouvoir pourrir et revenir. Se mêler, s'infiltrer, et revenir. Autant dire qu'on rêve , là.
Antoine EMAZ,
Poème de la terre, Bartavelle, 1986, p. 28
C'est cette accumulation des récits de vie sur les réseaux sociaux qui rivalise avec les livres. Mais ce n'est pas délétère à mes yeux, j'apprends à prendre la main des autres dans un registre immatériel qui s'ancre dans le réel et les prélévements que ça suppose pour montrer ce dont il s'agit. Poussière colorée d'un kaléidoscope géant, souvent en noir et blanc. Je ne recule pas encore devant ces crêtes d'océan engloutissant, je reste à distance , une bande de sable suffisante pour voir ce qui se passe de loin, participer a minima au drame ou à l'instant de joie. L'écriture sert d'alibi pour un crime relatif que j'appelle provisoirement empathie ou fascination pour le vivant. Les paysages ne m'intéressent guère , comme si le fait qu'ils puissent contenir des "figures absentes" les rendaient coupables de non assistance à personnes en danger. J'en reparlerai certainement iCi ou un peu autour. Le temps est venu d'écrire en continu.
Peintures de Winslow Homer - Source web -